Allocution de Roger Lelu, Coodonnateur national

CONCOURS 2015 "PROMOTION DE L'ETHIQUE PROFESSIONNELLE"
co-organisé par le Rotary et la Conférence des Grandes Ecoles

CEREMONIE DE REMISE DES PRIX NATIONAUX PARIS
SIEGE DE L'UNESCO – 20 MAI 2015

ALLOCUTION DE ROGER LELU

Coordonnateur national

Monsieur le Délégué général de la Conférence des Grandes Ecoles
Mesdames et Messieurs les Gouverneurs du Rotary et leurs Représentants
Mesdames les Coordonnatrices, Messieurs les Coordonnateurs des Districts du Rotary
Mesdames et Messieurs les Représentants des Ecoles et des Départements Universitaires
Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Que Madame SCHODER, Gouverneur du District de Paris, Gouverneur hôte donc, veuille bien m'excuser de paraphraser ses propos. S'ajoutant à ses remerciements, mes compliments à toutes les personnes qui ont contribué au succès de notre concours, organisé par le Rotary avec le soutien de la Conférence des Grandes Ecoles et de l'UNESCO, seront bien évidemment également sincères, également chaleureux. Elle a, de plus, rappelé l'année de sa création, en 2005, année du Centenaire du Rotary. Que de chemin parcouru depuis !

Depuis l'origine, ce sont en effet plus de 5000 étudiants qui ont participé à ce concours Dont 900 l'année dernière et approximativement autant cette année.
Ici, ce soir, pour cette finale nationale, 67 d'entre eux seront récompensés dans quelques instants, accompagnés par les représentants de 34 établissements, Grandes Ecoles et Universités, qui nous honorent eux aussi de leur présence. Je vais vous rendre compte de la qualité des travaux de ces lauréats, de la hauteur de leur réflexion éthique, des grandes tendances qui se dégagent de leurs essais.

Mais je tiens tout d'abord, au nom de tous les Gouverneurs de France du Rotary que j'ai le grand honneur de représenter, à remercier vivement l'UNESCO en la personne de Madame Dafna Feinholz, du Secteur des Sciences Sociales et Humaines, de nous recevoir en ce lieu ô combien symbolique. Au siège de l'UNESCO, organisation fortement engagée sur l'éthique à l'échelle mondiale. Organisation au rayonnement universel par les valeurs humanistes qu'elle cherche à promouvoir, les mêmes que celles du Rotary en l'occurrence. Récemment, dans ces murs, lors de la journée Rotary-UNESCO du 4 avril consacrée à la paix, un exposé historique nous a rappelé la solidité des liens qui nous unissent. Les Rotariens se sont en effet beaucoup impliqués dans la création de l'UNESCO en 1946. Ils en sont même à l'origine : l'idée d'une institution internationale dédiée à la paix par l'éducation, les sciences et la culture a été avancée, et retenue, à la Convention de Londres en 1942 à laquelle ont participé les Rotariens de vingt-et-un pays. Elle a été reprise ensuite en 1945 lors de la rédaction de la charte des Nations Unies à San Francisco. Depuis cette époque, le Rotary et l'UNESCO ont des préoccupations communes et une approche identique dans plusieurs domaines : la problématique de l'eau et l'assainissement, l'éducation et l'illettrisme, l'éthique et la culture de la paix. Pour illustrer nos attaches, c'est dans ce contexte de collaboration fructueuse qu'avec le soutien de Madame Feinholz notre concours a été placé sous le Haut Patronage de la Commission Nationale Française pour l'UNESCO, du Ministère des Affaires Etrangères, ce qui accroît encore sa crédibilité et lui confère une aura très appréciée. Madame Feinholz n'a pu se joindre à nous ce soir et m'en a exprimé tout son regret. C'est donc avec plaisir que je lui transmettrai ce témoignage de notre profonde reconnaissance.

Nos remerciements s'adressent également à Monsieur Philippe JAMET, Président de la Conférence des Grandes Ecoles, et à Monsieur Francis JOUANJEAN, Délégué de la CGE pour tout le soutien, si précieux, qu'ils nous apportent dans la mobilisation de tous les étudiants sensibilisés à l'importance de l'éthique, essentielle, indispensable, plus que jamais, à la construction de la société de demain. Ils s'adressent aussi à vous tous, Mesdames et Messieurs les Directeurs et représentants des établissements d'enseignement, qui avez accepté le principe de ce concours, qui avez encouragé vos étudiants à y participer.
C'est aussi grâce à l'engagement de tous les Gouverneurs de France du Rotary, des Coordonnatrices et des Coordonnateurs entre le Rotary et les établissements d'enseignement supérieur qui ont également donné beaucoup d'eux-mêmes que nous avons pu conduire, tous ensemble mes chers amis, cette année encore, cette très belle action. Et lorsque je dis "tous ensemble", j'associe bien évidemment Madame Anne-Marie Borderie qui, à mes côtés, a contribué elle aussi à cette réussite.
Vous toutes et tous, étudiantes et étudiants, Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs les lauréats, vous grâce à qui nous sommes tous réunis ce soir, c'est à vous que je m'adresse maintenant.

Comme chaque année, la qualité de vos essais est absolument remarquable. Un tel investissement de votre part atteste certes de votre parfaite prise de conscience des problèmes du monde concernés par l'éthique. Ou qui devraient l'être. L'énoncé des thèmes de vos essais lorsque tout à l'heure vous serez appelés sur l'estrade donnera un aperçu de leur grande diversité, de la nature des phénomènes de société qui vous posent des questions éthiques auxquelles vous avez tenu à répondre. Pour définir votre propre système de valeurs, pour vous positionner vous-mêmes à l'approche de votre entrée dans la vie active ou pour préconiser des solutions éthiques applicables à toutes les activités professionnelles.
A ce propos, on note une évolution de votre cheminement intellectuel par rapport à celui des lauréats des années passées. Comme une adaptation de votre discours en quelque sorte, au gré des conjonctures, comme un nouveau stade à chaque fois dans la progression de votre pensée collective.
Par exemple, la crise financière révélée par la chute de Lehmann Brothers avait, à l'époque, fortement attisé les critiques de vos prédécesseurs, fustigeant la tyrannie des logiques financières, s'élevant contre les causes de cette crise, causes expliquées par Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie souvent cité dans leurs essais pour son ouvrage intitulé "Le triomphe de la cupidité".

Puis, avec le recul du temps et dans une acception beaucoup plus large, la crise financière est devenue crise de civilisation, crise de sens. Crise de sens d'un modèle de développement qui, certes a fait ses preuves en permettant au monde occidental d' atteindre un niveau de richesse et de progrès jamais égalé, mais n'est jamais basé que sur la poursuite d'idéaux seulement quantitatifs, et qui, dans une sorte de fuite en avant, pousse irrésistiblement à l'hyper-consumérisme, à la dévastation de la Planète, à l'enrichissement des plus riches et à l'appauvrissement des plus pauvres, pour ne citer que ces quelques exemples parmi beaucoup d'autres, comme autant d'inconvénients, selon vos aînés, d'un système dans lequel l'Homme et les générations futures ont été oubliés. D'où leur insistance à redonner du sens au mot "valeur", non pas seulement valeur marchande, valeur boursière mais aussi valeur éthique, à appeler de tous leurs voeux une civilisation de l'empathie, s'inspirant en cela de Jeremy Rifkin, visionnaire éclairé également cité dans leurs essais.

Chez les promotions plus récentes, on a remarqué ensuite un changement de champ d'investigation, plutôt circonscrit, d'une façon plus pragmatique, au monde du travail, des affaires, au monde de l'entreprise qu'ils allaient intégrer bientôt. Et leur approche s'est divisée en deux tendances opposées. L'une manichéenne, déduite de la réflexion de Milton Friedman, économiste américain également prix Nobel d'économie, selon laquelle "la seule finalité de l'entreprise est de faire du profit". Indépendamment de toute considération éthique. Au point que pour certains d'entre

eux l'expression "entreprise éthique" était un oxymore. La question s'est alors posée pour ceux-ci, et avec inquiétude, de la difficile adéquation de leur propre système de valeurs avec des finalités seulement productivistes qu'ils réprouvaient au fond d'eux-mêmes. Fort heureusement la tendance contraire était beaucoup plus positive, optimiste : s'inscrivant dans un courant prometteur (développement durable, responsabilité sociétale de l'entreprise, norme ISO 26000, néo-management…), certains autres ont considéré l'entreprise, ce microcosme dans lequel on passe le plus clair de son temps, comme une actrice déterminante de l'éthique "collective" – puisqu'on y vit tous ensemble - et qu'il est possible de vivre l'entreprise comme l'entité idéale pour y conjuguer simultanément les valeurs de création de richesses et les valeurs humanistes, c'est-à-dire toutes les vertus du bien-vivre ensemble, à cultiver, à promouvoir, à faire rayonner autour de soi. Y compris hors de l'entreprise bien entendu.
En ce qui vous concerne, et pour autant que l'on puisse faire une synthèse d'une expression globalement si diversifiée, vous vous inscrivez parfaitement dans ce champ d'observation que sont l'entreprise, ses activités marchandes et tous les rapports avec ses parties prenantes, sans pour autant négliger les grands problèmes de société qui vous interpellent, de la fraude fiscale - les financiers parmi vous ont fait très fort cette année – à la gestion éthique des risques, au commerce des armes, à l'obsolescence programmée, au sponsoring sportif et j'en passe… Avec quelques particularités cependant. On note par exemple dans vos essais une référence appuyée à Max Weber, sociologue allemand du début du XXème siècle, pas pour son ouvrage le plus connu "L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme", mais pour un autre, intitulé "Le savant et le politique". Pour en extraire deux concepts forts, la responsabilité et la conviction, comme affirmation, en filigrane, de votre propre engagement éthique Et, fait d'autant plus remarquable que vous ne vous êtes pas concertés, nombre d'entre vous évoquent la notion de justice comme essentielle à la définition de l'éthique. Sans pour autant citer Paul Ricoeur, philosophe de référence en la matière, dont c'est justement la théorie. Signe des temps sans doute, révélant là aussi votre aspiration à un nouvel équilibre pour mieux vivre tous ensemble.

De toute façon, quelle que soit votre angle d'approche de l'éthique, toutes et tous, directement ou indirectement, vous souhaitez que notre système soit rééquilibré. Réinventé. Tous vos essais traduisent votre appel à la raison, à la vérité, à la mesure pour mettre un terme aux dérives. Tous vos essais expriment votre souhait de cultiver à titre individuel des qualités, des valeurs telles que l'honnêteté, l'équité, la solidarité, le respect mutuel, la droiture, l'humilité, l'intégrité, la probité, la tolérance, la confiance réciproque, la transparence, l'altruisme, c'est-à-dire votre souci de l'autre, cet autre soi-même à la fois si différent et si semblable, égal en dignité. Votre souci de l'autre et des autres. C'est en cela qu'ils présentent un point commun, s'inspirant tous de cette philosophie humaniste qui, prônant la liberté et la responsabilité individuelles, place le bonheur de l'Homme, non pas comme un moyen, mais comme une fin en soi, et sans exigence de réciprocité, au coeur de toutes les préoccupations.

En tant que membres de l'encadrement dans vos secteurs divers d'activités, vous serez très bientôt désormais les acteurs responsables de ce nouvel équilibre à trouver, de ce monde à venir qui se construira par vous, grâce à vous. Soyez donc toutes et tous félicités de votre engagement à vivre ainsi une vie bonne par et pour les autres, au sens où l'entendait Paul Ricoeur, c'est-à-dire à faire tout ce qui, en votre âme et conscience, rendra ce monde meilleur. Par vos convictions, par votre volonté à les mettre en oeuvre, à les faire partager dans votre vie professionnelle et dans votre vie privée, vous êtes porteurs d'espérance. Managers, décideurs, leaders charismatiques, vous serez demain porteurs de sens. Et vous êtes déjà les annonciateurs d'un nouveau paradigme, de cette renaissance tant attendue. Nous en sommes nous-mêmes persuadés, puisqu'à lire tous vos essais nous en avons perçu les frémissements. "Soyez-en félicités" ai-je dit. Soyez- en également remerciés !

Très chaleureusement !

Roger Lelu